Profesor André Boyer vzpomíná na založení IFTG

Au printemps 1990, je n’ai pas rencontré Hana Machková par hasard, mais parce que nous avions à présenter le projet d’Institut Français Tchécoslovaque de Gestion (IFTG) auprès de l’UniversitéVŠE (Vysoká škola ekonomická v Praze), où elle exerçait ses fonctions d’enseignement et de recherche.

Cet IFTG était inspiré de la construction de MARCOM en Bulgarie que j’avais mis en place à Sofia auparavant et qui, après peu d’années de fonctionnement, avait échoué du fait des agissements de son directeur (cf. mon billet « Le sabordage de Marcom »). L’issue malheureuse de ce programme n’était pas encore scellée au moment de la présentation de l’IFTG, mais nous allions en tirer les leçons, par chance, avec le choix de la responsable de l’IFTG.

Un beau matin du printemps 1990, Hana Machková et moi-même, nous sommes rendus au siège de l’université VŠE, qui correspond grosso modo à l’Université Paris-Dauphine en termes d’objectifs, de nombre d’étudiants et de moyens.

Nous avions rendez-vous avec le nouveau Recteur de VŠE, Věněk Šilha, pour lui présenter notre projet de l’IFTG. Nous étions en concurrence avec l’Espagne, représentée par son ambassadeur qui devait être reçu après nous par le Recteur pour présenter un projet analogue.

Le Recteur sortait de lourdes épreuves que lui avait infligé le régime communiste. Exclu de l’université pour ses activités politiques, il avait été condamné à la prison suivie par une contrainte de travail obligatoire qui consistait à balayer les couloirs du métro de Prague

Je me souviens de l’apparence du Recteur et de son regard. Petit, trapu, le crâne rasé, un regard bleu perçant, il invoquait bien, peut-être seulement dans mon imagination, un zek* fraîchement libéré. Nous lui avons présenté notre projet, Hana l’explicitant en français. Il nous écoutait en silence, mes discours en français (qu’il ne parlait pas plus que l’anglais) comme la présentation d’Hana en tchèque. Cela ne nous prit que quelques minutes, au bout desquelles il demanda que nous lui fournissions un argument, un seul, pour qu’il accepte ce projet. J’ai alors invoqué la lourdeur de la bureaucratie française qui valait bien l’ex-bureaucratie du temps du pouvoir du Parti Communiste Tchécoslovaque, une bureaucratie qui ne nous permettrait jamais de présenter à nouveau ce projet s’il le refusait aujourd’hui.

En clair, c’était aujourd’hui ou jamais.

Je n’oublierai jamais son regard. Pendant plusieurs secondes il m’a regardé en silence droit dans les yeux. Je l’ai scruté à mon tour, pour lui signifier ma conviction de la validité de notre proposition. Il a pris notre proposition écrite, et, sans un mot, il l’a signé.

Nous l’avons quitté après l’avoir remercié. Hana, qui connaissait le bâtiment de l’université comme sa poche, s’est dirigée vers la salle du Parti Communiste, une salle de classe assez classique autant que je me souvienne. Elle a enlevé le panneau du Parti, a écrit en français « Institut Français Tchécoslovaque de Gestion » sur une feuille de papier qu’elle a fixé sur la porte et y a rajouté un drapeau français qu’elle s’était procuré. L’aventure de l’IFTG venait de commencer, avec toutes ses péripéties. Nous ne savions pas qu’il serait toujours vivante aujourd’hui, et conduirait au magnifique succès de toute l’équipe d’Hana Machková, poussée en avant par la personnalité pleine d’énergie et de positivité de cette dernière.

Le premier obstacle, naturellement, nous l’avons rencontré à l’Ambassade de France en Tchécoslovaquie qui fut loin de partager notre enthousiasme devant l’émergence d’un bébé IFTG qui venait bouleverser les plans de nos diplomates, déjà fortement secoués par les effets de la révolution de velours…